Entre la Pologne et l’Union européenne, “un bras de fer qui se durcit”

Jeudi 7 octobre, le tribunal constitutionnel de Pologne a rendu un arrêt établissant que certains articles européens allaient à l’encontre de la constitution nationale. Cette décision entraîne des tensions entre Varsovie et Bruxelles, dont les rapports étaient déjà compliqués.

Les relations entre l’Union européenne et la Pologne ne prennent pas le chemin de la réconciliation. Ce jeudi 7 octobre, le tribunal constitutionnel polonais, soit la plus haute juridiction du pays, a estimé que certains articles du traité de l’Union européenne étaient “incompatibles” avec la constitution nationale. Le porte-parole du gouvernement, Piotr Muller, a ensuite salué l’arrêt de la Cour, confirmant la “primauté du droit constitutionnel sur les autres formes de droits”. Une prise de position qui intervient dans un contexte déjà tendu entre la Pologne et l’Europe : en juillet dernier, la Cour de justice de l’Union européenne épinglait Varsovie au sujet de sa réforme judiciaire, qu’elle considère comme non conforme au droit européen.

C’est un bras de fer entre la Pologne et l’Union européenne, qui dure depuis un certain temps et qui se durcit”, explique au sujet de ce nouveau volet Dorota Dakowska, professeure de science politique à l’Institut d’études politiques (IEP) d’Aix-en-Provence. “Depuis son retour au pouvoir en 2015, le parti PiS (Droit et Justice) a déjà pris plusieurs fois ses aises. Il a attaqué des principes fondamentaux comme l’indépendance de la justice par exemple. Il a aussi fait de nombreuses atteintes à la liberté des médias, et aux droits des femmes”, poursuit-elle.

Des dissensions suffisantes pour mener à une sortie de la Pologne de l’Union européenne ? “Nous ne sommes pas aujourd’hui dans une situation de “Polexit” imminent, estime Dorota Dakowska. Malgré tout, le gouvernement polonais se marginalise. A chaque fois qu’il fait un pas, il se rapproche d’une possible sortie de l’UE, car il se met à l’écart du fonctionnement commun, qui doit reposer sur un minimum de confiance. Si ce gouvernement venait à être réélu, un Polexit ne serait pas à exclure.” 

Une “participation à la carte”

Vendredi 8 octobre, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a pourtant assuré qu’il souhaitait que son pays reste membre de l’Union. “La Pologne aimerait bien une sorte de participation à la carte. Les gens cyniques disent qu’elle veut l’argent de l’Union européenne, mais sans se conformer aux règles. Et effectivement, c’est un peu ça”, juge la chercheuse.

Les sommes d’argent octroyées par l’Europe des 27 sont tout sauf anecdotiques. Pour l’année 2020, la Pologne est le pays ayant reçu le plus de fonds de la part de ses pairs : 18 milliards d’euros, soit 3,6% de son revenu national brut. Dans le cadre du plan de relance européen, 23 milliards d’euros de subventions et 34 milliards d’euros de prêts bon marché sont par ailleurs prévus pour Varsovie. Mais l’UE n’a pas encore donné son feu vert.

De fait, elle dispose d’un moyen de pression. “Elle peut retenir ces fonds et les fonds structurels en général. Et si la Pologne ne respecte pas ses obligations, elle peut se voir infliger des amendes”, analyse Mme Dakowska. Didier Reynders, commissaire européen à la Justice, a d’ailleurs déclaré que Bruxelles utilisera “tous les outils” à sa disposition pour garantir la primauté du droit de l’Union européenne. Au point de suspendre les droits de vote de la Pologne au Conseil de l’UE ? Peu probable, selon l’universitaire : “Pour cela, il faut l’unanimité. Et avec le soutien de la Hongrie, c’est impossible.

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