50 ans du RN : « De l’espoir au pouvoir » en six dates

Le Rassemblement national fête ses 50 ans mercredi 5 octobre. Passé de la présidence de Jean-Marie Le Pen à sa fille Marine, le parti se détache aujourd’hui de son idéologie d’origine et avance ses pions dans l’échiquier politique comme auprès des électeurs. 

En 2011, Marine Le Pen prend la tête du Front national et succède à son père. – Martin Bureau / AFP

Un an de plus. Le Rassemblement national (RN, ex-Front national) fête, mercredi 5 octobre, ses 50 ans. Un colloque, intitulé « De l’espoir au pouvoir » sera organisé le jeudi 6 octobre à l’Assemblée nationale. L’espoir d’achever la stratégie de dédiabolisation du parti, initiée par Marine Le Pen en 2011. Et le pouvoir, de plus en plus prégnant, en particulier depuis les dernières élections législatives en juin 2022, où le RN a obtenu 89 députés. L’absence du cofondateur du parti, Jean-Marie Le Pen, à cet anniversaire marque la volonté de se débarrasser d’un héritage empoisonné. Retour sur l’histoire d’un parti dont la stratégie politique a évolué sur cinq décennies. 

5 octobre 1972

« Le Front national pour l’unité française » (FNUF) est créé le 5 octobre 1972. Il est cofondé par des membres de divers groupes nationalistes, à l’instar de l’Ordre Nouveau, un mouvement de jeunes néofascistes qui prône des actions violentes pour propager ses idées. Parmi eux, Jean-Marie Le Pen, ancien député poujadiste, nostalgique de Vichy, est choisi pour présider cette nouvelle alliance des mouvements d’extrême droite. 

A sa création, le FN se compose de trois tendances politiques différentes. D’abord, le groupe national-populiste, porté par Le Pen père, que l’on surnomme aujourd’hui « le Menhir ». Cette famille est marquée par les événements de mai 68 et le mouvement de décolonisation. Le parti intègre également l’Ordre nouveau, qui prône l’abolition des syndicats, des partis politiques et des élections. Enfin, le FN comprend des anciens miliens pétainistes, comme François Brigeau ou Léon Gaultier, ou encore certains Waffen-SS, à l’image de Pierre Bousquet, membre de la division Charlemagne.   

16 mars 1986

Pendant près de dix ans, le parti végète. En 1974, Jean-Marie Le Pen est pour la première fois candidat à la présidentielle sous l’étiquette du Front national. Malgré son très faible score (0,75%), cette élection assoit sa position de chef de file du parti d’extrême droite. Sept ans plus tard, en 1981, il ne parvient pas à rassembler les 500 signatures nécessaires pour être candidat au scrutin présidentiel. Tandis qu’aux législatives de cette même année, le parti réalise son plus mauvais score depuis sa création : 0,18%.

Ce n’est que le 16 mars 1986 que le FN connaît sa première victoire. Le mode de scrutin utilisé, la proportionnelle à un tour, avantage le parti qui parvient à faire élire 35 députés au palais Bourbon. En 1988, alors que le scrutin est à nouveau uninominal à deux tours, il ne conserve qu’une députée. 

21 avril 2002

Une première pour l’extrême droite dans l’histoire de la Ve République. Jean-Marie Le Pen devance Lionel Jospin et se qualifie pour le second tour de la présidentielle avec 17,79% des suffrages. Il est finalement vaincu par Jacques Chirac, qui obtient 82% des voix. Le candidat du FN a pourtant été condamné en 1991 pour des propos négationnistes. Quatre ans plus tôt, en 1987, il qualifiait les chambres à gaz nazies de « points de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ». Ce type de propos, comme d’autres sur les homosexuels, les immigrés ou les roms, servent, selon lui, la progression du FN. 

Août 2015

En août 2015, Jean-Marie Le Pen est exclu du parti par le bureau exécutif du FN. Les autres membres lui reprochent – entre autres – d’avoir réitéré ses propos sur les chambres à gaz lors d’un entretien à la revue d’extrême droite Rivarol, et pour avoir défendu le maréchal Pétain. Cette exclusion a par la suite été confirmée par la justice. Le Pen père a, depuis, été condamné pour contestation de crime contre l’humanité et incitation à la haine, en 2018, mais reste président d’honneur du parti. 

10 mars 2018

Plus de quinze ans après, l’heure est au volte-face et à la dédiabolisation. Lors du Congrès de Lille des 10 et 11 mars 2018, Marine Le Pen, fille aînée de Jean-Marie, est réélue à la tête du parti, qu’elle préside depuis 2011. Cet événement acte également le changement de nom du parti, passé de Front à Rassemblement national, en rappel au nom du groupe formé à l’Assemblée en 1986. La députée du Pas-de-Calais souhaite symboliser la « mue » du RN en « un parti de gouvernement » et d’alliances. Surfant sur la vague populiste à l’échelle mondiale, le parti se normalise et se banalise. Marine Le Pen souhaite passer de l’image lepéniste à celle d’une mère de famille, en communiquant sa passion pour les chats et le jardinage. Elle se dit sensible à la cause des femmes, notamment en valorisant des thèmes tels que le harcèlement de rue, les déserts gynécologiques et les difficultés financières des femmes isolées.  

19 juin 2022

Nouvelle percée historique pour le RN. Depuis 2012, Marine Le Pen est sur une bonne lancée. Elle avait obtenu 18% des voix au premier tour, surpassant les scores de son père en 2002. En 2017, elle passe au second tour et récolte 33,9% des suffrages face à Emmanuel Macron. 

En avril 2021, c’est un score record pour la candidate de l’extrême droite (41,5% des voix au second tour, face à l’actuel chef de l’Etat), et les législatives du 19 juin dernier confirment la progression du parti. 89 députés RN sont élus à l’Assemblée nationale, surpassant le nombre – déjà important – de 1986. Marine Le Pen est également réélue haut la main dans le Pas de Calais, avec 61% des suffrages, et prend la tête du groupe à l’Assemblée. Pour la première fois depuis la création du parti, ce n’est plus un Le Pen qui le dirige, mais le député européen Jordan Bardella. 

En cinquante ans, le Rassemblement national est passé de la marginalité au premier groupe d’opposition au palais Bourbon. Prochaine étape : l’après-Macron, en 2027.

Chloé Sémat

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