Haut-Karabakh : le point sur la situation après l’annonce de la dissolution de la république autoproclamée

Depuis le début du XXᵉ siècle, le Haut-Karabakh est le théâtre d’un conflit gelé hérité de l’empire soviétique. Les Arméniens revendiquent une présence millénaire dans la région tandis que l’Azerbaïdjan fait valoir des liens historiques profonds et anciens avec ce territoire.

Le président de la république autoproclamée a annoncé la dissolution du Haut-Karabakh dès l’année prochaine. Huit jours plus tôt, les combattants séparatistes de l’enclave ont déposé les armes après l’offensive éclair des forces azerbaïdjanaises. Ce cessez-le-feu marque l’épilogue d’une querelle qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan depuis plus de trois décennies.

  • À l’origine du conflit gelé, un territoire soviétique disputé

Alors que la région du Haut-Karabakh fait partie de l’empire russe depuis 1805, Staline décide de rattacher l’enclave à l’Azerbaïdjan en 1921, malgré sa population à 90% arménienne. À la chute de l’URSS en 1991, l’Arménie et l’Azerbaïdjan obtiennent leur indépendance. Le Haut-Karabakh en profite pour la proclamer à son tour, entraînant un conflit armé entre les deux pays. En 1994, le conflit prend fin avec un cessez-le-feu qui marque la victoire d’Erevan. 

Le conflit autour du Haut-Karabakh se transforme en conflit gelé. Selon l’Encyclopédie française, le concept désigne “une situation dans laquelle un conflit armé actif a pris fin, mais aucun traité de paix ou autre cadre politique ne résout le conflit à la satisfaction des combattants”. Le conflit peut ainsi reprendre à n’importe quel moment, en témoigne la deuxième guerre qui a éclaté entre les deux pays en 2020 ou l’offensive de l’armée azerbaïdjanaise en 2023.

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/21/haut-karabakh-comprendre-ce-conflit-centenaire-qui-embrase-les-relations-entre-azerbaidjan-et-armenie_6190359_3210.html

  • Une hausse des tensions depuis l’hiver 2022

Bien que les tensions ne se soient jamais réellement apaisées au cours des trente dernières années, elles montent d’un cran en décembre 2022 lorsque l’Azerbaïdjan décide de fermer à la circulation, le corridor de Latchine, seule liaison terrestre entre le Haut-Karabakh et la République d’Arménie. Cette décision, officiellement par mesure de sécurité, engendre pénuries de nourriture et de médicaments dans l’enclave. 

En juillet 2023, Erevan fait part de ses craintes d’un “nettoyage ethnique” de la région à la communauté internationale qui peine à trouver une solution diplomatique au conflit. Le 19 septembre, l’Azerbaïdjan repasse à l’offensive et fait plier par la force les autorités autoproclamées du Haut-Karabakh, moins de 24 heures après le début de l’opération militaire. Un accord de cessez-le-feu est trouvé : il prévoit le retrait des forces armées arméniennes, la dissolution et le désarmement complet de l’armée d’autodéfense du Haut-Karabakh et la tenue d’un premier cycle de négociations sur la garantie des droits et de la sécurité des habitants de l’enclave.

Une dizaine de jours plus tard, l’annonce est faite par le dirigeant de la République autoproclamée, Samvel Shahramanyan : le Haut-Karabakh sera dissout d’ici à la fin de l’année. “La république du Haut-Karabakh [Artsakh, de son nom arménien] cesse d’exister” a-t-il décrété. Concrètement, toutes les institutions de l’enclave seront dissoutes dès le “début de l’année”1ᵉʳ janvier 2024“. 

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/28/la-republique-separatiste-du-haut-karabakh-va-s-autodissoudre_6191377_3210.html

  • Quel avenir pour les séparatistes arméniens dans l’enclave ?

L’exode de la population arménienne du Haut-Karabakh a débuté une semaine après l’offensive éclair de Bakou : près de 65 000 personnes, soit la moitié des 120 000 habitants du Haut-Karabakh, ont fui le pays pour rejoindre l’Arménie, par crainte de représailles. À l’heure actuelle, le gouvernement arménien n’a pu loger que 2 850 personnes.

De son côté, Bakou a promis de respecter les droits des séparatistes arméniens. Dans son décret de dissolution, le dirigeant séparatiste souligne qu’une fois les conditions du retour de la région sous le contrôle de l’Azerbaïdjan connues, les habitants et les réfugiés pourront “individuellement prendre la décision de rester ou de revenir dans le Haut-Karabakh”.

  • Quelles réactions sur la scène internationale  ? 

L’Arménie, qui a soutenu ce territoire pendant des décennies, n’est pas intervenu militairement cette fois-ci, ouvrant la voie à la réintégration de la région à l’Azerbaïdjan. Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a en revanche appelé la communauté internationale à agir et à punir l’Azerbaïdjan “Si les condamnations [de la communauté internationale] ne sont pas suivies de décisions politiques et juridiques adéquates, alors ces condamnations deviendront des actes de consentement avec ce qui se passe“, a-t-il dénoncé.

En Occident, le sort des séparatistes arméniens dans l’enclave inquiète. Du côté de la France, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Anne-Claire Legendre, s’est dite préoccupée par “le départ massif des populations arméniennes du Haut-Karabakh”. Elle ajoute que Paris tiendrait “pleinement responsable l’Azerbaïdjan du sort de la population arménienne”. La France, qui a déjà fourni une aide humanitaire de 3 millions d’euros, compte débloquer 7 millions d’euros supplémentaires pour les réfugiés et les déplacés en Arménie et au Haut-Karabakh, a annoncé la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna. 

Lundi 25 septembre, c’est le porte-parole du Département d’Etat américain, Matthew Miller, qui a fait part de “l’inquiétude profonde” des États-Unis au sujet des Arméniens du Karabakh. L’homme d’État évoque l’envoi d’une “mission internationale” pour “assurer la transparence, rassurer et donner confiance aux habitants” de la région. Dans une tribune publiée au “Monde”, l’essayiste Michel Marian en appelle aux Occidentaux afin de soutenir une candidature de l’Arménie au sein de l’Union Européenne.

Emma Calvet

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