Journée nationale des aidants : « Il faut leur donner deux heures pour souffler »

À l’occasion de la journée nationale des aidants, mercredi 6 octobre, les associations comme France Parkinson 31, à Toulouse, se mobilisent. L’objectif est de donner la parole aux aidants, souvent invisibilisés malgré leur présence quotidienne dans la vie des malades.

Au tout premier rang dans l’auditorium des Abattoirs, à Toulouse, mercredi 6 octobre, Gilberte et son mari Jacques, respectivement 81 et 84 printemps, attendent patiemment le début du court-métrage sur la maladie d’Alzheimer. La semaine prochaine, ils fêteront leur 60 ans de mariage. Mais les douze dernières années, Gilberte est devenue l’aidante, plus que la femme, de Jacques atteint d’Alzheimer : « Depuis 2009, je m’occupe de lui pour l’habiller, le laver, le raser… il faut constamment le surveiller. La dernière fois, il est parti seul sur la route. Le voisin l’a retrouvé. » 

En cette journée nationale des aidants, Gilberte est venue trouver un peu de réconfort auprès d’autres aidants et des bénévoles de l’association France Alzheimer 31. Ils sont une trentaine, assis dans le noir et en silence, lorsque le court-métrage commence. « C’est un moyen pour les faire se reconnaître en tant qu’aidant, d’accepter la maladie et de les accompagner », résume Ginette Arias, présidente de l’association. 

Une charge émotionnelle et physique

Ils sont entre 8 et 11 millions en France, selon un rapport de l’Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (Ocirp) et de l’institut Viavoice. 80% d’entre eux aident un membre de leur famille, qu’il soit atteint d’Alzheimer, de Parkinson, d’autisme ou encore d’un handicap. « Quand il s’agit de la famille ou de conjoints, cela paraît normal d’être là pour le meilleur comme pour le pire  », explique Sophie Auria, psychologue et intervenante au Ciné-Débat organisé par France Alzheimer 31.  “C’est très lourd. J’ai tout le temps l’esprit occupé. J’ai fait un burn out et je me bats pour ne pas retomber », avoue Gilberte. Pour les aidants, la tâche quotidienne est dure physiquement comme émotionnellement. « Certains subissent même une culpabilité du survivant et n’osent plus s’occuper d’eux ou se faire plaisir », explique la psychologue.

D’autres restent, longtemps, dans le déni et ne demandent aucune aide. C’est la raison pour laquelle Claire, qui a perdu son mari atteint d’Alzheimer, a souhaité être bénévole pour l’association. Elle était considérée comme une aidante et il est devenu, pour elle, primordial d’accompagner dans ce rôle à son tour : « C’est grâce à l’association que j’ai compris mon rôle, que j’ai eu de l’aide sur ce que je devais faire notamment dans l’accompagnement à la fin de vie. J’ai tout appris avec les formations », témoigne-t-elle.

Des aides inconnues et peu étendues

Les aidants enchaînent les sacrifices pour s’occuper de leurs proches : vie sociale, bien-être personnel et même opportunités professionnelles. « Beaucoup doivent arrêter de travailler. Il y a bien un congé de trois mois pour les aidants, mais trop peu peuvent se permettre de ne plus toucher de salaire », détaille Sophie Auria. Le congé proche aidant est de 44 euros par jour pour les personnes en couple et 52 euros pour les personnes seules, ce qui ne représente pas un SMIC. Il existe aussi un dispositif de répit, inscrit dans la loi de 2015, permettant aux aidants de placer leurs proches dans des structures adaptées, le temps de prendre du temps pour soi. Malheureusement, ces maisons de répit sont très peu répandues sur le territoire français et en trouver une relève parfois du défi.

C’est pour combler ce manque que se mobilisent les associations comme France Parkison 31 ou La Fabrique Solidaire des Minimes. Cette dernière a lancé un café des aidants dont l’objectif est de créer du lien, d’apporter des conseils grâce à la présence d’une psychologue et d’une éducatrice et surtout sortir de l’isolement : « Il faut leur donner deux heures pour souffler », explique Myriam Panaget, responsable du café La Fabrique solidaire.

Mais pour l’heure son initiative, dont la première édition a lieu lundi 11 octobre, peine à rassembler. “Ce sont des personnes seules, qui ne se reconnaissent pas comme aidants“, justifie-t-elle . Car si, comme le souligne Sophie Auria, « être aidant est une activité  à temps plein », 15% d’entre eux sont tout de même actifs et seulement un quart déclare leur situation à leur employeur, selon le rapport de Viavoice pour l’OCIRP. Dans les raisons avancées, il y a la peur d’être dévalorisé au travail ou d’être regardé de manière différente par leurs collègue. Ils jonglent donc entre deux vies, s’épuisent à la tâche et ne savent que rarement que leur situation a un nom et parfois des solutions. Sur les 11 millions d’aidants en France, seulement 15.900 ont demandé un congé aidant proche cette année. Et les chiffres pourraient s’aggraver : l’Insee prévoit qu’un actif sur quatre sera proche aidant en 2030.

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