L’Académie française, une institution qui a du mal à se féminiser

Les membres de l’institution fondée en 1635 par le cardinal Richelieu ont longtemps fermé leurs portes aux femmes. Alors qu’Amin Maalouf vient d’être élu comme secrétaire perpétuel, la question de la lente féminisation de l’Académie ressurgit.

Les deux candidats au poste, Jean-Christophe Rufin et Amin Maalouf, à l’Académie française en 2012. (Photo FRANCOIS GUILLOT / AFP)

Deux hommes pour remplacer une femme. Jeudi 28 septembre, les “Immortels” ont du départager Amin Maalouf et Jean-Christophe Rufin, à la succession d’Hélène Carrère d’Encausse, morte cet été, après 24 ans au poste de secrétaire perpétuel. L’historienne spécialiste de la Russie avait été la première femme à diriger l’Académie.

L’Académie française, longtemps considérée comme une “réunion d’hommes”, comme le disait Jean D’Ormesson, n’est pas pressée d’accueillir plus de femmes dans ses fauteuils du quai du Conti. Seulement onze femmes ont été élues et six siègent actuellement, pour un total de 40 fauteuils. Ce combat pour la féminisation de l’institution n’est pourtant pas récent. En 1760, d’Alembert, alors académicien, propose de réserver quatre fauteuils aux femmes, en vain.

En 1863, la journaliste Pauline Savari se porte candidate à entrer à l’Académie. «Les femmes ne sont pas éligibles puisqu’on n’est citoyen français que lorsqu’on a satisfait à la conscription», lui rétorque-t-on. Marie Curie, candidate en 1910, subit le même sort. En 1980, Marguerite Yourcenar devient la première femme a être élue parmi les “Immortels”. “Beaucoup ont été très réservés. Et un petit nombre a été franchement hostile, avec, quelquefois, violence”, expliquait Jean d’Ormesson dans un documentaire, diffusé en 2007, retraçant les coulisses de l’élection de l’écrivaine à l’Académie. Elle se dit “accompagnée d’une troupe invisible de femmes, qui auraient dû recevoir beaucoup plus tôt cet honneur.”

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La lente “harmonisation des pratiques”

Malgré l’arrivée de nouvelles femmes, pas question pour autant de féminiser les noms de métier. Il faut encore attendre 1998 pour voir une avancée, grâce à une circulaire du Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin. Des mots comme “chirugiennes”, “commandante”, ou encore “inventeure”, entrent dans les dictionnaires Larousse et le Petit Robert l’année suivante. Il faut encore attendre 2017 pour que Bernard Louvel, premier président de la Cour de cassation, évoque la nécessité d’ “harmonisation des pratiques” , après avoir fait le constat de la féminisation des métiers, notamment dans le corps judiciaire. Mais l’Académie considère toujours que les termes «immortel» et «académicien» ne doivent pas être féminisés. Aujourd’hui, même si les lignes semblent bouger, l’institution ne compte pas faire la liste des métiers féminisés dans son neuvième dictionnaire, toujours en cours de rédaction. La tâche, selon l’institut, serait insurmontable.

Charlotte Lenne

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