Réforme de l’allocation aux adultes handicapés : pourquoi les bénéficiaires la réclament

Discuté puis finalement rejeté jeudi 7 octobre à l’Assemblée nationale, le mode de calcul de l’allocation aux adultes handicapés fait débat. Elle dépend, pour les personnes en couple, des revenus de leur partenaire. Les bénéficiaires veulent sa déconjugalisation.

Elle est versée à 1,2 million de Français : l’AAH, allocation aux adultes handicapés, est une aide accordée aux personnes en situation de handicap. Créée en 1975, il s’agit d’une allocation conjugalisée : lorsque le bénéficiaire est en couple, le calcul du montant prend également en compte les revenus du partenaire. Déjà débattu en juin, le sujet est revenu sur la table aujourd’hui à l’Assemblée Nationale, avec une proposition de loi de l’opposition, qui souhaitait déconjugaliser l’AAH. Au terme de discussions animées, la proposition a finalement été rejetée par la majorité

Cette individualisation est notamment demandée par les associations et organisations. Vingt-deux d’entre elles, dont APF France Handicap, ont adressé mardi 5 octobre une lettre ouverte à Emmanuel Macron. “[Elle] doit permettre aux personnes concernées de vivre dignement et de manière indépendante de leur conjoint lorsqu’elles ne peuvent pas travailler ou que leur travail ne peut leur assurer des revenus suffisants pour leurs besoins de la vie quotidienne”, écrivent-elles. 

Une impression de “faire l’aumône”

A Muret (Haute-Garonne), Dominique, 60 ans, fait partie des 270.000 personnes à la fois en couple et bénéficiaires de l’AAH. Touchant cette allocation depuis ses 21 ans, ce n’est que depuis la retraite de son mari Gérard – et que ses revenus ont donc diminué – qu’elle peut recevoir l’aide à taux plein, soit 904 euros par mois. “Mais avant, je devais faire avec une petite allocation, qui évoluait entre 300 et 350 euros par mois”, raconte-t-elle. Une situation de dépendance financière, qui peut entraîner des problèmes. “Le fait d’être lié à son conjoint au niveau de l’argent, c’est très compliqué. Ça peut être une source de violences, ou de maltraitances”, rappelle Christel Cortial, salariée de l’APF France Handicap en Haute-Garonne. Ce n’est pas le cas de Dominique, mais elle a parfois eu l’impression de “faire l’aumône”. “Ce n’est pas évident de toujours demander à son conjoint de l’argent, dès qu’on veut faire une sortie ou s’acheter quelque chose. De mon point de vue, c’est une discrimination”, tranche-t-elle.

Pour la première fois cette année, Armelle, 33 ans, a fait une demande pour percevoir l’AAH. “Je suis reconnue comme travailleuse handicapée. La MDPH (maison départementale des personnes handicapées) m’a dit qu’en fonction de mes revenus, j’étais éligible à l’allocation. Mais mon mari a un salaire trop élevé. Ça m’empêche de la recevoir”. Elle estime que la déconjugalisation lui permettrait d’être plus libre : “Je pourrais me sentir indépendante, pouvoir financer moi-même ma vie, et peut-être aussi reprendre des études. La dépendance financière, ça entraîne de la précarité. Ça n’aide pas à aller mieux.” 

A la déconjugalisation, le gouvernement préfère la formule de l’abattement forfaitaire : 5.000 € seront déduits sur les revenus du conjoint qui ne touche pas l’AAH, avec une majoration de 1.100 € par enfant. Pour 120.000 couples, cette mesure représenterait un gain moyen de 110 € mensuels, précise l’AFP. Une décision qui n’est pas viable pour Christel Cortial, de l’APF France Handicap en Haute-Garonne: “Ça bénéficierait à moins de la moitié des personnes en couple touchant l’AAH. Et ça ne résout pas l’enjeu de l’indépendance”. Cette nouvelle mesure entrera en vigueur le 1er janvier 2022.

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